Un peu de liberté...

Je suis

JE SUIS

 

J'ouvre à demi les yeux sur une aube claire. Je tourne la tête. Je vois parmi les brumes d'un sommeil sans songe la fenêtre ouverte sur les cimes des arbres, sur fond d'un soleil orange qui fait fuir le voile de la nuit. Un léger vent pénètre dans la chambre et fait gonfler les draps qui reposent sur moi, la seule chose mobile dans cette chambre impersonnelle. L'air frais m'apporte les odeurs de terres humides par la rosée, le parfum des fleurs nouvelles.

 

Comme j'aimerai poser mes pieds nus sur le béton du balcon encore chaud, sentir les rayons du soleil caresser et pénétrer mon corps comme un amant, laisser le vent prendre mon corps et l'envelopper d'un amour éphémère ! J'aimerai sentir mon corps. Je le sens pourtant, lourd, froid, immobile. Je le voudrai léger, tiède. J'aimerai voir mes mains, leur forme si régulière, les voir se déplacer, crayon en main, sur les pages d'un cahier vierge. J'aimerai qu'un homme regarde la femme qui sommeille en moi, qu'il contemple mon corps, qu'il le rende superbe par l'amour qui se dégagerait de ses yeux. Je rêve d'être femme.

 

Je ne suis qu'un tronc d'arbre, sans racine qui le rattacherai à son passé, sans branches ni bourgeons qui seraient la promesse d'un avenir. Je suis présent et immobilité. Mon corps est vide, ma tête s'évade par la fenêtre ouverte. Les seuls hommes qui m'aient vu dans ma nudité la plus simple sont des hommes aveugles, aux gestes sûrs et répétitifs... des hommes en blouse blanche.

 

J'ai eu un passé. On me l'a dit. Mais pour moi c'est le passé de quelqu'un d'autre, de quelqu'un à jamais perdu.

 

On m'a raconté : moi, petite fille, ado, jeune femme. Je ne me reconnais pas sur les photos. Je ne fais même plus l'effort.

 

On m'a raconté : cet homme si différent de ce que je connais maintenant. Cette simplicité et complicité entre nous, l'explosion de joie face à cet enfant si désiré. Je n'ai même pas de larmes face à ces amours disparus. Je ne sais pas ce qu'est l'amour même si je le cherche dans mes rêves éveillés comme ce matin.

 

On m'a raconté : la voiture, la pluie et un imbécile ivre mort au volant de sa voiture. Mort l'amour, morte la petite fille, l'ado, la jeune femme. Mort l'homme de sa vie, mort son enfant si beau. Vivant l'automobiliste ivre, vivante cette jeune femme cassée, dont seul son esprit fonctionne, le reste c'est rien, ça sert à rien, c'est végétal, minéral, c'est moi.

 

Je suis née quand ils sont morts, je suis enfant de la Faucheuse, je suis néant comme ce qui attend les Hommes au soir de leur vie mais je suis. Je suis quoi, je suis qui ? Est-ce vraiment important ?

 

Je rêve.. je rêve... je suis songe, éphémère, diffuse, confuse.

 

Je suis... Je suis... Je m'en persuade. Je suis... Je suis... Je conjugue ce verbe au présent car il n'y a que le présent pour moi.

 

Je suis... Je suis... Je suis...

 

(Moira)

 



07/03/2009
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